Analyse – GoldenEye : la séquence du train

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Aujourd’hui, revenons sur la fameuse séquence du train dans GoldenEye, qui a lieu tout juste après la poursuite en char. La séquence du train est une des meilleures scènes des James Bond avec Pierce Brosnan, très efficace tant elle est riche en tension. Grâce à cette analyse de séquence, nous allons donc essayer de comprendre par quels moyens techniques Martin Campbell, superbe réalisateur, arrive à rendre une scène très riche en suspens et tension.

L’analyse de la séquence est divisée en deux parties : la première analyse la scène du train avant sa collision et la seconde après. La première partie débute à partir de la première scène qui se déroule à l’intérieur du train, lorsque Natalya entre dans le wagon. Dans le plan suivant, Campbell place Trevelyan au centre de la scène, entre Natalya et Xenia, ce qui instaure une symétrie parfaite, le plaçant d’emblée au centre. Au centre de l’espace scénique, le réalisateur lui confère de l’importance et donc, de l’attention. La distanciation entre Trevelyan et Natalya est explicite puisque Natalya est hors champ lorsqu’on le film et vice-versa. Dans le plan suivant celui du dialogue, apparait enfin Natalya au fond, comme Xenia avant, ce qui confirme la symétrie par rapport à Trevelyan. Le train avance. Trevelyan entre enfin véritablement dans le champ avec Natalya et s’approche d’elle. Son avancée vers elle représente une menace, traduite de manière très simple par sa position, debout, derrière elle, en rapport de force. Le travelling avant permet de saisir le visage de Natalya qui essaie de l’ignorer mais a également peur. Le second plan qui montre l’avancée du train permet non seulement de rendre le montage plus nerveux mais aussi d’insister sur son avancée et d’insinuer qu’un évènement va se produire en lien avec son trajet. La position des rails dans le champ approuve cette hypothèse.

L’hypothèse est maintenant un fait, puisqu’un char sort de l’ombre et avance dans le sens contraire du train, ce qui signale une future collision très probable. Notons également la position des rails dans le champ, à la même place de ceux du dernier plan, ce qui instaure une nouvelle fois une symétrie, on a ainsi : train, rail, rail, char. La collision est rendue inévitable. On peut aussi noter qu’il s’agit d’un champ-contrechamp, et donc d’un duel « un contre un », c’est à dire du duel typique du western. Le duel entre le train et le char est donc rendue comme un duel typique de western, cependant inégale. Le char est immobile, alors que le train bouge. Le char bénéficie d’un tir alors que le train possède une vitesse importante. L’avantage est donc plus pour le char.

Le plan suivant montre Trevelyan qui essaie de séduire Natalya. Il permet d’instaurer une petite touche comique puisqu’il n’a pas encore pris connaissance de la situation, et donc, il est totalement déconnecté de la réalité. Les deux plans suivants confirment l’idée du duel en champ-contrechamp avec la même angle de prise de vue. Toutefois, le troisième plan avec l’avancée du char en contre-plongée confirme totalement son rapport de force. Trevelyan apprend enfin le danger, le train avance, ce qui montre que le temps s’écoule et que la distance avec le char diminue, donc la collision s’approche. Il prend connaissance avec Xenya du char dans l’écran et se montre plutôt impressionné par le duel, alors que Xenia est complètement excitée. Son ordre d’augmenter la vitesse indique qu’il accepte le duel et s’y engage. La caméra nerveuse de Campbell montre le levier actionné, et tout  de suite après il nous montre l’avancée du train, c’est à dire la conséquence de l’ordre de Trevelyan. L’enchainement cause-conséquence accompagné du début de la musique de Serra traduit le danger que représente aussi le train pour le char. L’avancée rapide du train représente un véritable danger, soulignée par sa forme menaçante du devant. Tout de suite après, on montre le char qui lui est immobile. Les klaxons font aaccroitre l’agitation, la cacophonie, le désordre de la situation. Le panoramique de droite à gauche sur Trevelyan et Xenya insiste aussi sur l’agitation et la nervosité à bord du train. Le zoom de la caméra pour chaque participant du duel montre l’approche du duel. Comme la dernière fois, on montre aussi lors d’u troisième plan le char, cette fois-ci avec le tir. Contrairement à la dernière fois, la présence d’un quatrième plan cette fois-ci montre l’impact du tir et le cinquième l’explosion et le déraillement du train. Bond quitte le char, lequel va bientôt rentrer en collision avec le train enflammé. La collision entraine un choc total à l’intérieur du train ainsi qu’un désordre complet. La série de plans sur l’explosion du train insiste sur le désordre et donc les conséquences de l’explosion. Bond a remporté la première manche.

La deuxième partie de la séquence débute lorsque Natalya se lève pour fuir, avant qu’Ourumov ne surgisse dans le plan pour la capturer. Xenya se lève aussi, tout comme Trevelyan qui essaie de surgir l’arme, avant que Bond ne vienne l’en empêcher, en surgissant dans le plan. La position de Bond, filmé en contre-plongé, est dominante, ce qui instaure un rapport de force avec les deux autres. Non seulement Bond a l’arme mais aussi les autres doivent suivre ses ordres. Il maitrise la situation, pourtant Trevelyan se ne se montre ni nerveux ni angoissé. Cependant, il y a un élément qu’il faut considérer et qui n’est pas encore entré dans l’échiquier, sa « faiblesse fatale », c’est à dire les femmes en général, donc Natalya, laquelle l’empêche de réussir. Natalya est ainsi un élément parasite. Le montage nerveux accroit les tensions.

Sa venue procède à une inversion des rôles qui donne l’avantage à Trevelyan. Il revient d’ailleurs au centre, entre Xenya  derrière lui et Bond devant lui. L’anecdote qu’il raconte sur Natalya montre bien qu’il ne se soucie pas de la menace de Bond et qu’il sait par avance qu’il va s’en sortir. Bond est positionné également au centre, de sorte à ce qu’il doit faire un choix : devant lui sa mission et derrière lui la femme à sauver. Le duel continue toujours dans le wagon. Trevelyan est seul dans le champ, tout comme Bond face à lui. Le champ-contrechamp, comme avant, montre que le duel du western continue toujours. Ce sont toujours les mêmes composantes que lors de la première partie : Bond a une arme alors que Trevelyan n’en a pas. Il utilise la nouvelle composante, Natalya, pour tenter de dissuader Bond et remporter cette deuxième manche. Mais, Bond lui aussi, utilise une nouvelle composante, Ourumov qu’il tente de lui faire convaincre que Trevelyan le trahira aussi. Chacun essaie donc d’utiliser une composante qui appartient à l’autre : Natalya est dans le camp de Bond, Ourumov dans le camp de Trevelyan. Cette deuxième manche est d’autant plus complexe. Suite à l’annonce de Bond et une future probable trahison de Trevelyan, le prochain plan montre les deux composantes dans le même plan qui forment bien un tout. Ce nouvel ensemble entre dans le duel et personne ne connaissant la décision d’Ourumov, la situation est très complexe. Toutefois, Trevelyan a l’avantage qu’il voit parfaitement ce nouvel ensemble, contrairement à Bond.

Le nouveau champ-contrechamp entre Trevelyan et Bond montre que le duel continue toujours. L’arme de Bond se positionne au tiers de l’image, ce qui permet d’accroitre son importance. Cependant, comme Ourumov a également une arme, les deux s’égalisent sur ce point. Trevelyan possède un deuxième avantage, Xenya, placée derrière lui au fond. Elle rend la situation encore plus complexe. Bond tente le bluff, toutefois Trevelyan prend le dessus en réussissat à s’échapper. Bond se retourne pour tuer Ourumov mais ne réussit pas à tuer Trevelyan ou Xenya. Il est maintenant encerclé dans le train, piégé par une bombe. Trevelyan gagne la deuxième manche.

Le piège est souligné par la fermeture des portes et des volets. L’agitation de Bond et la nervosité du montage ne sont pas très positifs. Ils ont trois minutes pour pouvoir s’échapper, la fuite du temps accroit sans cesse le suspens. La tâche alternée de Natalya et le montage alterné avec Boris permettent d’accroitre le suspens, le piratage de la localisation représentant un problème secondaire. Les plans constants sur Bond indiquent la minutie du plan de Bond. La carte en alternance permet d’accroitre le suspens, toutefois, ils arrivent à sortir du wagon et s’éloigner du train avant qu’il n’explose.

Pour rendre la séquence du train très efficace et riche en tension et suspens, Campbell procède à deux parties, deux duels typiques du western avec une position bien spécifique des participants du duel et de ses composantes. 

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